lundi

Manifeste

L'évolutionnisme en art est quelque chose de très suspect. Pourquoi la musique d'un Xénakis serait-elle plus "évoluée" que celle d'un Chopin ? Pourquoi la polyphonie, venue plus tardivement, serait-elle plus "évoluée" que la monodie ?
Pourquoi le système dit "tonal" serait-il plus évolué que la gamme pentatonique ? En quoi la musique sérielle serait-elle une marque de modernité par rapport au système "tonal" ? Une bonne musique doit-elle absolument refléter son époque ?
L'évolution musicale est question de formes. L'avant-gardisme d'hier est la queue leu leu de demain.
Les formes musicales, contrairement à la structure, peuvent évoluer à satiété. La forme est indissolublement liée à l'époque. Tout se passe comme si le contenu d'une époque donnée influait sur le caractère d'une œuvre. Nous jugeons à travers l'époque en projetant sur l'œuvre tout ce que l'époque doit avoir de "vieux" ou de "nouveau" ("vieux" si ancien, "nouveau" si contemporain). Mais ce qui est "vieux" ou "nouveau" dans une œuvre est indépendant de l'époque. Bien des esthétiques actuelles sont déja "vieilles" tandis que bon nombre appartenant au passé sont toujours "neuves".
L'évolution interne d'une œuvre tient à la personnalité de son créateur et non à l'époque. Par conséquent, les moyens mis en œuvre pour construire une œuvre ne sont pas déterminants pour juger de sa qualité intrinsèque (excepté si l'oeuvre EST la forme, comme c'est le cas pour Schoenberg avec la série et Duchamp avec le ready-made).
Structuralement, la musique est une et intemporelle. Les six aspects du son dans la durée (+ silence) ne dépendent aucunement du progrès technologique. Le système dit "tonal" est potentiel dans la gamme majeure et mineure (il n'est pas subordonné à l'époque où il a été inventé). Le fait d'avoir recours ou non à une forme mélodique n'est pas en soi un critère d'évolution ou de régression. Il en est de même du fait d'utiliser ou non des sons "dissonants" dans une composition.
Sans moyens technologiques ni même acoustiques développés, la musique serait toujours la musique.
Avant même d'être une expérience sonore, la musique est.

NOTE :
Les six aspects de structure (+ silence) sont :

1 Point (un son)
2 Segment (deux sons successifs)
3 Ligne (au moins trois sons successifs)
4 Battement (répétition d'un son)
5 Ondulation (répétition de deux sons)
6 Frise (répétition d'au moins trois sons)
7 Silence

vendredi

Théâtral et symbolique : l'expansion anarchique du technologique a provoqué leur divorce. Le théâtral s'est arrogé ainsi la mise en œuvre de moyens planétaires.
Or, c'est le symbolique qui conditionne l'émergence d'œuvres nouvelles, non le théâtral (une œuvre d'art se symbolise-t-elle suffisamment ? Renvoie-t-elle suffisamment à elle-même ?).

Conceptuel et matériel
: dans la musique de Bach, l'idée mélodique est toujours supérieure à l'effet sonore, et il en est de même dans la musique de John Cage où l'idée musicale peut complétement se substituer à l'effet sonore (silence continu). Trop de musiques expérimentales actuelles font la part de l'effet sonore au détriment du concept musical, sous prétexte que depuis les années 60 un bruit est l'équivalent d'un son.
Étant donné que toute idée émerge d'une nuit obscure, l'idée musicale est plus proche du silence que du bruit. La structure précède toujours la manifestation.

Figuratif et non figuratif : peut-on parler de musique "figurative" ? Oui, si l'on définit la figuration musicale comme étant l'application des trois points suivants :
- Ligne mélodique naturelle (succession de sons accessible à la voix et à l'oreille humaine).
- Harmonie tonale (hauteur de son continue ou récurrente, accords de quinte).
- Rythmique mesurée (binaire et ternaire).