mercredi

Disons-le

La musique classique contemporaine ne séduit pas le grand public car elle s'est trop intellectualisée. Un grand nombre de procédés compositionnels aussi subtils les uns que les autres ne sont pas pertinents à l'audition. En voulant créer l'inattendu et la diversité, on ne génère au final qu'une choquante uniformité.
L'originalité d'un Messiaen est d'être paramoderniste en plein modernisme. Sa musique est grande car elle se réfère à des éléments pour moi non historiques (le mode, le rythme, la couleur, la nature, la divinité).
Ce qui est issu du modernisme est devenu caduque.

mardi

Musiques interminales

Sous l'appellation de " musique interminale ", je rangerai toute musique présentant un caractère non discursif, c'est à dire toute musique à la fois antérieure et postérieure à l'époque classique* (du 16ème siècle au 19ème siècle environ).
Par non discursivité, j'entends la possibilité de matérialiser un champ sonore préexistant en nous et dans la nature, indépendant de toute rhétorique étrangère à la musique (sens, message, découpage de la forme en paramètres distincts et contrôlables).
Ainsi, la musique interminale comprend aussi bien des musiques traditionnelles ou sacrées que bon nombre de musiques actuelles, qu'elles soient héritées du sérialisme, de l'expérimental électronique ou du minimalisme.
L'apport du minimalisme et post-minimalisme a été de renouer avec le continu*, mis à mal par les courants sériels et post-sériels :

- Continu de durée (égalité rythmique).
- Continu d'intensité (texture lisse).
- Continu de hauteur (présence tonale).
- Continu de timbre (homogénéité).

Le courant minimaliste est la brèche ouverte vers le post-modernisme.



* Et ses dérivés populaires actuels (variétés).
* Le continu n'exclut pas d'infimes variations (à ce titre, le courant "spectral" devance même le minimalisme).

vendredi

Sérialisme ...

Le système "atonal" sur lequel repose le sérialisme est en fait le mode chromatique à 12 notes utilisé de façon non déterminée. L'atonalité pure n'existe pas comme "anti-mode", on peut seulement l'opposer au système tonal indissociable de la notion de son fondamental (par ex, en RE majeur, la fondamentale est RE), qui est un invariant, notion se retrouvant à l'origine de la formation du mode.
Prenons un mode diatonique (tout mode formé à partir du mode de DO). La note fondamentale sera toujours la première du mode (tout au moins pour les modes à 7 notes). Dans tous les cas, nous aurons une seule fondamentale si nous décidons que le mode est déterminé par cette seule note. Mais nous pouvons très bien décider de n'accorder aucune priorité à n'importe laquelle note du mode si nous utilisons ce dernier de façon non déterminée (c'est à dire en prenant comme fondamentale chacune des notes du mode en question). Nous voyons par là que l'atonalisme existe aussi dans l'univers diatonique ...
En fait, l'échelle à 12 notes revendiquée par la musique sérielle est bel et bien un mode, mais un mode possédant 12 fondamentales.

jeudi

Verticalité

On associe habituellement "verticalité" et harmonie. Comme si la notion d'harmonie dépendait seulement d'un empilement de sons. En réalité, toute mélodie contient temporellement sa propre "harmonie" (dans la durée). Cela explique pourquoi tant de morceaux ethniques se passent d'harmonie, au sens moderne.
Il y a confusion entre "verticalité" et "superposition". Théoriquement, trois sons entendus simultanément (accord) n'ont pas de durée, mais si on joue cet accord sur un piano, ils auront obligatoirement une durée, aussi brève soit-elle. Il est donc impossible d'avoir une configuration purement verticale en musique (sauf dans une partition), la durée impliquant au moins l'horizontalité, au plus la diagonalité.
Il faut donc rechercher la notion verticale ailleurs que dans la superposition. Pour ma part, je l'associe tout simplement au silence, ou tout au moins à de très longs intervalles de silence. Le seul musicien ayant expérimenté cela expressément est John Cage.

mercredi

Jean-Noël von der Weid

Pour Jean-Noël von der Weid, auteur d'un manuel sur les tendances musicales du 20ème siècle, la musique postmoderne n'est pas intéressante, car ce qui est "nouveau" doit absolument être "moderne" (comprenez : ne doit jamais revisiter). Ah bon ? Un musicien comme Steve Reich est aujourd'hui unanimement reconnu. J'espère que M. von der Weid est revenu aujourd'hui sur son opinion.
Dénier à la musique aujourd'hui son droit à la tonalité* sous prétexte de "nouveauté" et "d'étrangeté", c'est rayer l'homme de l'aventure musicale.

* : il ne s'agit pas nécessairement de tonalité "majeure" ou "mineure". Un morceau est tonal s'il s'appuie sur une note privilégiée d'un mode, même si ce mode est chromatique. Autrement dit, une certaine fixité des hauteurs. Cela dit, la revisitation du système tonal par un Philip Glass n'est en rien régressive (en tous cas si on compare cette dernière à son utilisation dans la musique dite de variétés).

mardi

Le syndrome du cabaret

Pourquoi la musique populaire est-elle devenue populiste ?
- Parce que, perdant la ruralité où elle se développait naturellement, elle s'est finalement cantonnée au cabaret (lieu de plaisir citadin), et que ce phénomène s'est étendu à toute la planète VIA la technologie.
On peut donc parler sans exagérer, à propos de la musique populaire contemporaine, de syndrome du cabaret.

lundi

Manifeste

L'évolutionnisme en art est quelque chose de très suspect. Pourquoi la musique d'un Xénakis serait-elle plus "évoluée" que celle d'un Chopin ? Pourquoi la polyphonie, venue plus tardivement, serait-elle plus "évoluée" que la monodie ?
Pourquoi le système dit "tonal" serait-il plus évolué que la gamme pentatonique ? En quoi la musique sérielle serait-elle une marque de modernité par rapport au système "tonal" ? Une bonne musique doit-elle absolument refléter son époque ?
L'évolution musicale est question de formes. L'avant-gardisme d'hier est la queue leu leu de demain.
Les formes musicales, contrairement à la structure, peuvent évoluer à satiété. La forme est indissolublement liée à l'époque. Tout se passe comme si le contenu d'une époque donnée influait sur le caractère d'une œuvre. Nous jugeons à travers l'époque en projetant sur l'œuvre tout ce que l'époque doit avoir de "vieux" ou de "nouveau" ("vieux" si ancien, "nouveau" si contemporain). Mais ce qui est "vieux" ou "nouveau" dans une œuvre est indépendant de l'époque. Bien des esthétiques actuelles sont déja "vieilles" tandis que bon nombre appartenant au passé sont toujours "neuves".
L'évolution interne d'une œuvre tient à la personnalité de son créateur et non à l'époque. Par conséquent, les moyens mis en œuvre pour construire une œuvre ne sont pas déterminants pour juger de sa qualité intrinsèque (excepté si l'oeuvre EST la forme, comme c'est le cas pour Schoenberg avec la série et Duchamp avec le ready-made).
Structuralement, la musique est une et intemporelle. Les six aspects du son dans la durée (+ silence) ne dépendent aucunement du progrès technologique. Le système dit "tonal" est potentiel dans la gamme majeure et mineure (il n'est pas subordonné à l'époque où il a été inventé). Le fait d'avoir recours ou non à une forme mélodique n'est pas en soi un critère d'évolution ou de régression. Il en est de même du fait d'utiliser ou non des sons "dissonants" dans une composition.
Sans moyens technologiques ni même acoustiques développés, la musique serait toujours la musique.
Avant même d'être une expérience sonore, la musique est.

NOTE :
Les six aspects de structure (+ silence) sont :

1 Point (un son)
2 Segment (deux sons successifs)
3 Ligne (au moins trois sons successifs)
4 Battement (répétition d'un son)
5 Ondulation (répétition de deux sons)
6 Frise (répétition d'au moins trois sons)
7 Silence

vendredi

Théâtral et symbolique : l'expansion anarchique du technologique a provoqué leur divorce. Le théâtral s'est arrogé ainsi la mise en œuvre de moyens planétaires.
Or, c'est le symbolique qui conditionne l'émergence d'œuvres nouvelles, non le théâtral (une œuvre d'art se symbolise-t-elle suffisamment ? Renvoie-t-elle suffisamment à elle-même ?).

Conceptuel et matériel
: dans la musique de Bach, l'idée mélodique est toujours supérieure à l'effet sonore, et il en est de même dans la musique de John Cage où l'idée musicale peut complétement se substituer à l'effet sonore (silence continu). Trop de musiques expérimentales actuelles font la part de l'effet sonore au détriment du concept musical, sous prétexte que depuis les années 60 un bruit est l'équivalent d'un son.
Étant donné que toute idée émerge d'une nuit obscure, l'idée musicale est plus proche du silence que du bruit. La structure précède toujours la manifestation.

Figuratif et non figuratif : peut-on parler de musique "figurative" ? Oui, si l'on définit la figuration musicale comme étant l'application des trois points suivants :
- Ligne mélodique naturelle (succession de sons accessible à la voix et à l'oreille humaine).
- Harmonie tonale (hauteur de son continue ou récurrente, accords de quinte).
- Rythmique mesurée (binaire et ternaire).