dimanche

Art virtuel

L'art virtuel est la pulsion qui vous saisit à l'occasion d'associations spontanées, de souvenirs, de demi veilles ou d'impressions fugitives. Cela se produit n'importe où et n'importe quand, que vous soyez un moine ou un assassin. L'auteur de cette pulsion n'est pas vous, mais votre conscience. Quoi que vous fassiez, vous ne pourrez pas l'améliorer, seulement la constater. Si vous avez fait des études savantes, vous voudrez peut-être la fixer sur un support quelconque, alphabet, tambour, glaise, mais au final vous perdrez votre temps, car la pulsion sera déjà très loin lorsque vous penserez à la rattraper.
L'art virtuel a un autre avantage : il est entièrement gratuit. Et vous êtes son unique musée.
Peut-être que cette fonction synesthésique déborde sur d'autres plans que le plan des sensations brutes. C'est même très probable.
L'art virtuel est une forme d'art total - quelque chose comme un concentré de souvenirs d'événements se produisant ici et maintenant, dont la résonance dans notre univers prosaïque nous incite à croire qu'ils se sont produits il y a très longtemps, et ailleurs.

Gérard Starck

Si vous agrandissez la photo ci-dessous, vous voyez en l'air, à gauche et à droite, deux flèches de plâtre qui font exploser le plafond du CEEAC (centre d'études européennes d'actions contemporaines).
Il s'agit de "Moulures, dessins dans l'espace", une oeuvre du sculpteur Gérard Starck (né en 1957).
Gérard Starck désirait que son travail soit porteur d'une potentialité musicale, ce qui explique la présence d'un piano à queue. Il faut dire que ce piano tout seul dans ce parallélépipède à la jonction de l'ancien et du nouveau n'a pas l'air d'attendre son pianiste. La musique n'a pas besoin d'être "faite", elle est là, magnifique, supersonique.


Yann Jaffrennou, CEAAC 2005.

Piano Gestuel

Le piano gestuel est simplement du piano classique avancé. Il n'y a aucun truc sonore du style pincer les cordes ou introduire des clous entre. Tout se passe au niveau du clavier. La différence avec le piano classique tient à l'utilisation de la main complète (avec l'avant-bras). Le jeu pianistique n'est plus subordonné aux seuls doigts de la main, qui deviennent ainsi un aspect parmi d'autres (mais dont il est impossible de se passer totalement, au risque de ne produire que des effets "balistiques").
Le piano gestuel produit des effets plastiques impossibles à obtenir avec les doigts : taches, frottements, frictions, diffraction, plaques, points ... L'espace du clavier devient accessible au corps du pianiste (d'où le terme "gestuel").
Le piano gestuel est un langage pour le piano. Il a sa grammaire.
Lorsque j'ai exécuté, il y a environ dix ans, les figures basiques de "piano gestuel", je me suis dit : "non, c'est impossible, ce n'est pas du piano".
On m'avait appris que le piano se faisait avec les doigts.
J'ai donc laissé tomber, car je ne voulais pas passer pour quelqu'un qui fait n'importe quoi (qu'est-ce que "n'importe quoi" au juste ?). Faire "n'importe quoi" avec les doigts, passe encore, mais avec la paume, l'avant-bras ou le poing, c'était vraiment n'importe quoi.
Le démon du chaos (frère du vide) eut cependant le dernier mot. J'envoyai promener les inhibitions pianistiques. Je me remis au travail.
Au début je notai mes figures de façon toute littéraire : "frapper alternativement les touches noires et les touches blanches en survolant", "faire glisser sur les articulations", "balayer en champ large". Par la suite je compris qu'il me suffisait de recenser toutes les possibilités de positionnement de la main par rapport à un clavier : j'en trouvai 12, - ainsi que toutes les possibilités de "secouer" un clavier (par exemple en le balayant) : j'en trouvai 7.
Beaucoup plus tard, je compris qu'il n'existait finalement que 3 figures gestuelles basiques, et que toutes les autres étaient leurs rotations.
A ceci s'ajoutait un mouvement oscillatoire "touches noires/touches blanches".
Ainsi est né "Grammaire du Piano Gestuel".

samedi

Ce qui appartient à la tradition est maîtrisable.
Ce qui appartient à l'imaginaire ne l'est pas.
Ce qui appartient à l'esprit tient des deux à la fois.

Proverbe soufi

jeudi




















La musique se déploie comme un arbre. Ce n'est pas d'aller quelque part qui est important, mais d'y tendre ici et maintenant.

Des notes et des sons

Nombreux sont encore les compositeurs qui composent avec des notes, beaucoup plus rares sont ceux qui composent avec des sons.
La musique est toujours le véhicule d'un "paysage choisi". On aime que ce qu'on connaît, que ce soit Mozart ou le Rap. On se méfie des expériences, des symphonies pauvres et des bruits lointains - comme on se méfie du rêve ou de l'après-vie.
Pourtant, vous supporterez moins le son d'une rivière familière qui disparaît que la confiscation de vos airs préférés.
Tom Johnson est un compositeur qui compose avec des sons. Une mélodie est pour lui une structure en mouvement, se développant par elle-même et pour elle-même. Tout son dans sa musique est un rythme qui grandit indéfiniment, qui génère d'autres sons qui ne sont pas forcément ceux qu'on attendait (ou que la culture attend), mais qui s'imposent dans la composition comme étant ceux qu'il fallait.
Je pense aussi à Terry Riley, à Steve Reich, à Ligety, à Xénakis.
Et tant pis pour ceux qui n'ont pas écouté.

vendredi

L'art est d'abord un enjeu en soi, pour soi-même. Sa fonction est essentiellement auto-thérapeutique et cosmique. L'aspect démonstratif/historiciste (culte du moi, performance, valeur spirituelle et marchande), caractéristique de la culture occidentale, est secondaire.
L'oeuvre est invisible à l'oeil nu.

dimanche

Réflecteur musical (projet)

Le réflecteur musical est un appareil permettant de convertir une image lumineuse en sons. Il se place dans un appartement très éclairé.
L'image s'obtient de la même façon qu'une image photographique, à la différence près que la pellicule est remplacée par une matrice photo-électrique.
A un niveau ambitieux du projet, cette matrice comprend 84 x 84 cellules photo-électriques (7056), dont chacune est connectée à un générateur de son dans une gamme de hauteurs fixées à l'avance.
Il y a 84 gammes de 7 x 12 sons, chaque gamme comprenant 7 octaves, de la plus grave (do 1) à la plus aigüe (do 7).
La taille de chaque cellule est à déterminer, mais ne doit pas dépasser 2 x 2 mm - ceci pour former une trame acceptable.
L'intensité sonore est fonction de l'intensité lumineuse : plus l'image est lumineuse (ou contient d'éléments lumineux), plus la musique est forte.
La forme de musique dépend de la structure du paysage visé par le réflecteur : si le paysage est constitué de masses diversement nuancées (ex : nuages), la musique sera entendue comme une simultanéïté de sons se mouvant plus ou moins rapidement. Si, inversement, le paysage est constitué de sources lumineuses ponctuelles (ex : reflets dans l'eau), la musique sera perçue de façon plus linéaire, avec des sauts mélodiques.
Option : modification des timbres et des gammes.
A un niveau plus modeste (et moins coûteux), la matrice photo-électrique est composée seulement de 7 x 12 sons, chaque cellule pouvant mesurer 5 x 5 mm. Ce dispositif basique pourrait servir à tester le système.

samedi

Le silence n'existe pas. Va-t'en dans une chambre sourde et entends-y le bruit de ton système nerveux et entends-y la circulation de ton sang.

Je n'ai rien à dire et c'est ce que je dis.

JOHN CAGE

Le piano mécanique de Catherine Arnaud

Catherine Arnaud est une plasticienne qui peint des rouleaux à musique de piano mécanique. Chaque rouleau est fabriqué à partir d'une partition originale, oeuvre d'un compositeur. Sa longueur est variable (on peut l'imaginer infinie). Sa texture à trous détermine le travail pictural de Catherine Arnaud, lequel consiste à scander de fluctuations colorées le discours immatériel de la musique. Au final, elle obtient une frise conjuguant l'audition et la vision, même s'il s'agit de sa vision. On se reprend à spéculer sur le vieux rêve de l'art synesthésique.

dimanche



Canon cyclique 3 pour piano numérique (page 1)

Canons cycliques

Par définition, un canon cyclique est un canon dont toutes les voix forment un cycle complet. Dans son principe, le canon cyclique combine deux ou plusieurs motifs d'inégale longueur se déplaçant généralement sur les 7 degrés de la gamme diatonique (occasionnellement la gamme chromatique) avant de revenir au point zéro. Si les valeurs utilisées au départ ne changent pas en cours de route, les motifs se rejoindront mathématiquement au bout d'un certain temps (variant en fonction du nombre de motifs employés).
La durée d'un canon cyclique augmente très rapidement. A titre d'exemple, soient 4 motifs A, B, C et D de longueur respective : 6, 7, 8 et 9. Leur cycle est de 6 x 7 x 8 x 9 = 3024. Sachant que chacun des motifs se déplace lui-même de 3 octaves (= 21), le cycle total (à l'instant où les 4 motifs se rejoindront) est de : 3024 x 21 = 63504 pulsations. Si chaque mesure comprend 16 double-croches, on a donc : 63504 : 16 = 3969 mesures. Si chaque mesure dure 4 secondes, le temps sera de : 3969 x 4 = 15876 secondes, soit un peu plus de 4 heures ! (ce qui correspondrait à peu près à la durée du 3ème canon (j'en ai composé 8) si ce dernier n'avait pas été abrégé à quelques minutes pour des raisons de place et d'économie pratique).
On conçoit l'avantage qu'il y a à utiliser l'ordinateur pour ce type de musique, à condition de lui faire comprendre un langage musical codé et non d'être obligé d'écrire la partition de bout en bout.
L'architecture d'un canon cyclique subordonne l'aspect harmonique à l'aspect contrapuntique, car toutes les voix sont indépendantes. Ce sont les intervalles de l'échelle utilisée qui déterminent "l'harmonie". Plutôt que de privilégier telle ou telle rencontre de sons (accord), c'est tout au contraire une combinatoire qui est proposée à l'audition, le déroulement cyclique permettant d'exposer une série complète et unique de combinaisons.
Un canon cyclique peut moduler si on décide d'altérer graduellement (ou d'un seul coup) sa texture. Par exemple, le canon 6 module précisemment toutes les 13 mesures, par ajout continu d'une seule altération (ascendante).
L'ensemble des 8 canons, excepté le 3 et le 7, n'est pas homogène, bien que fidèle au principe de fabrication. Un changement minime de valeur rythmique suffit à donner à ces pièces une dimension symphonique.


Le fil d'Ariane pour tout musicien désirant s'aventurer dans le labyrinthe des modes musicaux ...

mercredi

Allegro furioso

Le compositeur d'aujourd'hui dispose de moyens inimaginables pour créer de la musique. L'ère du studio d'enregistrement est révolue. Les nouvelles symphonies jaillissent tout orchestrées des circuits imprimés. La palette des genres est étourdissante. Les courants musicaux se comptent par centaines. Le plus dur dans tout cela est moins de se faire un nom que de trouver sa voie. Et, une fois qu'elle est enfin trouvée, il vous faut affronter courageusement la jungle des Bruits Sans Fin et sacrifier au Dieu des Mille Esthétiques. Si vous êtes admis, vous avez une petite chance d'atteindre la montagne située au-delà.
Je ne crois pas que le "mondialisme" soit une solution d'inspiration. Les cultures et les styles doivent se confronter, non se mélanger. Les conservatoires doivent enseigner les musiques traditionnelles au même titre que la musique dite "classique". Toutes les bonnes musiques sont "classiques".
Le tort de la musique européenne est probablement d'avoir imposé sa syntaxe à nombre d'expressions traditionnelles (musiques celtiques en particulier). Et le plus regrettable aujourd'hui est que la musique populaire ne puisse pas penser autrement que majeur et mineur.
La Musique est comme l'air que l'on respire. C'est une "atmosphère". On y met ce qu'on veut bien y mettre : la barbarie la plus totale comme l'humanité la plus rare.

mardi

Musique répétitive

La "musique répétitive" était réellement underground dans les années 1970-80. Je me souviens des toutes premières pièces de Philip Glass, qui faisaient scandale, car le compositeur exposait, dans un style "jusqu'auboutiste", une boucle sans fin donnant l'impression d'un disque rayé. Il fallait une sérieuse tolérance de la part de l'auditeur pour entrer dans un tel monde. Par la suite, Phil Glass s'est rendu compte qu'avec quelques modulations çà et là et une orchestration plus classique on pouvait parvenir à un résultat très satisfaisant (musicalement et commercialement).
Aujourd'hui, la "musique répétitive" est devenue une mode et un laissez-passer pour nombre de musiques de films, car elle est en apparence beaucoup plus facile à composer que la musique non répétitive. Il est beaucoup plus facile d'imiter Glass ou Adams que Xenakis ou Ligeti.
Je ne pense pas qu'il faille ranger cette musique dans la catégorie "musique nouvelle", car on peut être sûr que dans cent ans cette épithète sonnera à peu près comme "art nouveau" pour les oreilles d'un amateur d'art contemporain. On peut considérer la musique répétitive comme une branche de la musique contemporaine, non comme la musique contemporaine.

dimanche

J'emmerde l'Art

ERIK SATIE
Dans le bouddhisme Zen, on dit : si quelque chose ennnuie au bout de deux minutes, essayer quatre. Si l'ennui persiste, essayer huit, seize, trente-deux, et ainsi de suite. On finit par découvrir qu'il n'y avait pas ennui du tout, mais vif intérêt.

JOHN CAGE


Roland Darquoy
Ce que je fais n'est peut-être pas aussi beau que ce à quoi parviendrait un maître indien, mais, pour une oreille occidentale, il est plus simple d'entendre et de reconnaître une écriture pour piano ou pour quatuor à cordes ou pour n'importe quelle autre forme de musique occidentale.

TERRY RILEY

Les 42 modes hyper-chromatiques


Ces modes sont combinés de telle manière qu'il est impossible de former un accord de quinte avec les sons les constituant.

Page 1 du 9ème raga pour piano. L'échelle utilisée ici est pentatonique : do#ré#mi#sol#si#.

mardi

Ragas pour piano

Le désir que j'avais de transposer des sonorités traditionnelles au piano (harpe celtique) s'est à nouveau concrétisé sous la forme des "9 Ragas pour piano".
Comme leur nom l'indique, ces pièces doivent beaucoup à la musique de l'Inde. Elles sont écrites chacune dans un mode spécifique à cette musique (un mode est une échelle de sons), maintenu comme il se doit pendant toute la durée du morceau, la modulation n'existant pas dans les musiques traditionnelles (le besoin de changement est une constante de la culture occidentale).
Le Raga est traditionnellement une forme mélodique subtile utilisant une échelle particulière (souvent pentatonique) et constituant le fondement sur lequel un musicien improvise. Je n'ai pas pris cette définition à la lettre en écrivant ces neuf pièces, car je n'ai pas voulu "copier" le monde traditionnel (d'ailleurs le système tempéré à 12 sons ne le permettrait pas, non plus que le piano). Je m'en suis tenu seulement au principe de non-modulation et au développement rythmique de type circulaire (improvisation autour d'un pôle modal), ces deux facteurs étant à la base de toute musique traditionnelle.
Certaines séquences, plus répétitives, font entendre des sons pianistiques à l'état pur, en dehors de tout contexte discursif, simplement pour eux-mêmes. Cet aspect spatial et méditatif du son est caractéristique de l'approche musicale orientale.

dimanche

samedi

Sans Titre

Si quelque chose par rapport à quelqu'autre
chose arrive plus tôt ou plus tard tout est différent
mais au fond rien qui soit d'une importance
durable n'est arrivé. Je parle
et la musique contemporaine change. Change
comme la vie. Si elle ne changeait pas elle serait morte.

JOHN CAGE
J'ai acheté un ordinateur voilà six mois, mais je n'ai pas encore composé avec. Je compose tout au piano et, à l'heure où je vous parle, je travaille uniquement chez moi, dans le studio situé à l'intérieur de mon appartement.

AARON KERNIS

Musique d'intérieur

Le concept de "musique d'intérieur", suavement annoncé par Erik Satie (Gymnopédies et Gnossiennes) consiste à créer, sur le plan sonore, une atmosphère suffisamment neutre pour n'être pas perçue par le plus grand nombre, et suffisamment pertinente pour être perçue par quelques-uns. C'est comme un papier peint uni dont on ne peut définir exactement la couleur. Ou un ciel de nuages sur un immeuble hightech (vous ne voyez pas ce ciel). Ou encore une journée riche en événements mineurs.
Ce concept, repris plus tard par un musicien comme Terry Riley, est le fil conducteur de ma production entre 1980 et 1990.

vendredi



Erik Satie, précurseur de la "musique d'intérieur".

Celtic Piano

Les premières pièces de "Celtic Piano" datent de 1978. C'est une période de "relâchement" expressif. Lassé de mes essais antérieurs, de petites compositions sérialistes qui m'enfermaient dans une image stéréotypée du compositeur de musique "savante", je suis à la recherche "d'autre chose". La rencontre de ma femme, bretonne, sera le déclic de ma passion pour la culture celtique à partir de 1978. Je me tourne vers la musique populaire bretonne, qui renaît alors sous la poussée rénovatrice des Cochevelou (Stivell) père et fils. J'y trouve un affect et un raffinement qui font souvent défaut à notre monde aseptisé.
On m'a souvent dit que ma musique celtique pour piano ressemblait à Debussy. C'est vrai du point de vue de la fluidité et de la couleur (bien que les harmonies de Debussy soient modulantes et beaucoup plus recherchées et savantes que les miennes), mais ce n'est pas exact dans le style, car je n'avais pas Debussy en tête quand j'ai composé cette musique. La coloration "debussyste" tient surtout à l'adaptation au piano de la musique de harpe, avec son corollaire modal (intervalles diatoniques, limpidité, résonance).
Je pense que Alan Stivell m'a beaucoup plus inspiré que Debussy pour cette musique.



"Lumière sur la Terre", pièce celtique pour piano extraite du recueil "cercles de vent".

mardi



Le deuxième album de Roland Darquoy (1997). Pochette dessinée par Marie-France Jaffrennou.